Femmes à la caméra
Les années 1970 marquent un tournant pour les femmes en Suisse et correspond avec l’émergence de plus en plus de réalisatrices dans les métiers du cinéma et du documentaire en particulier. À peu près au moment où les femmes obtiennent enfin le droit de vote en Suisse en 1971, le magnétoscope arrive sur le marché, offrant de nouvelles possibilités esthétiques aux artistes et aux cinéastes grâce à sa légèreté et son autonomie. Plusieurs réalisatrices commencent à documenter les mouvements des suffragettes, l’émancipation des femmes au quotidien, ainsi que les minorités et groupes sociaux moins visibles. À cette époque, les femmes étaient rares dans le cinéma, un domaine presque exclusivement réservé aux hommes.
En 1971, la jeune cinéaste militante valaisanne Carole Roussopoulos (1945-2009) interviewe Gabrielle Nanchen, fraîchement élue au Conseil national, dans son canton d’origine. La même année, elle fonde avec son mari le collectif « Video Out » dont l’objectif était de donner la parole aux minorités. En 1982, elle fonde avec Delphine Seyrig le « Centre Simone de Beauvoir » chargé de conserver et diffuser des documents filmés ayant trait à l’histoire des femmes. Au même moment, Danielle Jaeggi (1945-) s’engage avec ses propres films à documenter les manifestations, les grèves et le mouvement de libération des femmes. En 1975, Lucienne Lanaz (1937-) cofonde « CH-Filmfrauen », une association qui vise à mettre en réseau les femmes travaillant dans le domaine du cinéma et crée sa société de production Jura-Films. Réalisatrice engagée, elle est membre du Collectif 50/50 qui a pour but de promouvoir l’égalité des femmes et des hommes et la diversité sexuelle et de genre dans le cinéma et l’audiovisuel. En 1966, Jacqueline Veuve (1930-2013) réalise son premier film avec Yves Yersin (La Panier à viande), puis Dimanche de Pingouins qui précède plus de soixante documentaires sur l’histoire de la Suisse, les modes de vie, les métiers, le savoir-faire, la vie quotidienne avec ses gestes, ses réalités et ses rêves. Enfin, Gisèle Ansorge (1923-1993) met au point un procédé d’animation original, à partir de sable de quartz qu’elle développera avec son mari Ernest Ansorge. Ensemble, iels marquent le cinéma d’animation en Suisse et à l’international. Ces nombreuses contributions à l’essor du cinéma suisse montrent qu’il se développait en Suisse romande un vaste cercle de réalisatrices, qui allaient devenir des pionnières du nouveau cinéma suisse.
Dimanche de pingouins de Jacqueline Veuve (CH, 1967, 7’, digital, français)
C’est l’histoire d’un jeune garçon timide qui, à la piscine, voit une jeune fille et veut la courtiser. Il fait plusieurs tentatives d’approche avec son linge de bain tout en lisant un livre sur les moeurs des pingouins.
Gabrielle Nanchen de Carole Roussopoulos (CH/F, 1971, 28’, digital, français)
Gabrielle Nanchen, première femme suisse députée socialiste au Conseil National est interviewée le jour même où les femmes obtiennent le droit de vote en Suisse et dans son canton, le Valais. Le film recueille également les réactions des paysans valaisans.
Le chat caméléon de Gisèle Ansorge et Ernest Nag Ansorge (CH, 1975, 12’, digital, français)
Un jeune garçon délivre le canton des Grisons d’un cruel bailli avec la complicité d’un chat aux multiples pouvoirs.
Sorcières-Camarades de Danielle Jaeggi (CH/FR, 1971, 10’, digital, français)
« Un film sur les femmes / Un film par des femmes / Un film pour les femmes / Avec une caméra d’homme. Un jour des femmes verront ces images de notre triste survie et se demanderont comment nous avons pu la supporter. »
Feu, Fumée, Saucisse de Lucienne Lanaz (CH, 1976, 22’, digital, français)
Fritz Marti habite dans l’unique maison de Grandval qui aujourd’hui encore ne possède ni cheminée, ni électricité, ni eau courante. Il consacre son temps à fumer dans sa cuisine des saucisses et du lard sur commande des bouchers de la région.